Les 7 leçons de la "surf attitude"

Article d'Emmanuel Poncet paru dans le magazine Psychologies - Juin 2007

Sauriez-vous glisser dans la vie comme sur les vagues ? Pour les adeptes du surf, l’un ne va pas sans l’autre et leur planche les porte aussi à se transformer intérieurement. Voici quelques-uns de leurs enseignements. A méditer aussi sur la terre ferme.

 

« Mettez deux cents Parisiens dépressifs au bord de l’eau, à vivre à proximité des forces de la nature. Cela fera deux cents psys au chômage ! » Avec humour, l’écrivain Michaël Sebban (lire son témoignage plus bas) résumait ainsi récemment sa passion pour le surf et ses vertus thérapeutiques, tant sur le physique que sur le mental. Souvent considéré comme un sport marginal réservé à une poignée d’éphèbes australiens un peu écervelés, cette pratique recèle pourtant une vraie philosophie de vie.
« Le surf comme métaphore de l’existence est aussi puissant pour un Parisien ou un Londonien que pour un Australien », confirme la pratiquante et écrivaine australienne Fiona Capp (auteure notamment de Ce sentiment océanique, Actes sud, 2005). Bain de jouvence vital et quasi matriciel, il offre une nouvelle naissance à celui qui s’y adonne. En hawaïen, le surf se dit he’e nalu : he’e pour « couler comme un liquide » et nalu qui indique à la fois le surgissement d’une vague et le liquide amniotique enrobant le nouveau-né.
C’est le navigateur James Cook qui a découvert le surf au XVIIIe siècle, en Polynésie. Depuis son expansion dans les années 1960, ce sport n’a cessé de démontrer qu’il était bien plus qu’une discipline physique. Plutôt une discipline de vie, aussi exigeante qu’exaltante. Voici ses sept grands principes, qui peuvent nous inspirer au quotidien.

 

 

Témoignages

 

Joël de Rosnay, scientifique
« Le surf, un éternel recommencement »
« Tonton surfeur », c’est le surnom que l’on a donné au pionnier du surf en France. Vainqueur des tout premiers championnats de France en 1960 et en 1961, champion de France master en longboard en 1986, ce docteur es sciences s’avoue, à 69 ans, toujours drogué aux vagues… Il vient de publier 2020, les scénarios du futur, aux éditions Des idées et des hommes.

« Je surfe depuis une cinquantaine d’années et, je peux vous l’assurer, le surf est une drogue douce… On est en manque, quand on ne surfe pas ! Cela vient d’abord, à mon sens, de ce mélange fascinant entre le déterminisme biologique, celui des éléments, et votre liberté, celle d’en faire ce que vous voulez. Exactement comme dans la vie, en fait. A ceci près que la vague, elle, ne meurt jamais : le surf est un éternel recommencement. Ça aussi, c’est fantastique… En outre, sur l’eau, tout peut changer d’un instant à l’autre : le vent, la marée, le temps. Il faut donc apprendre à profiter réellement de l’instant présent. En ce qui me concerne, c’est évident : le surf m’a aidé à vivre de façon plus soft et plus fluide.

Les rapports humains sont toujours des rapports de force, avec des affrontements, un vainqueur et un vaincu. Dans le surf, c’est tout autre chose. Ce sont des rapports de flux : ce que je donne à la vague, je ne le perds pas. Ce qu’elle me donne, elle le récupérera. Je dose, j’équilibre, je m’adapte à mon environnement… C’est une vraie philosophie du mouvement, qui aide à mieux appréhender la complexité de la vie. »

 

Bixente Lizarazu, ex-footballeur
« Surfer ouvre sur le monde »
Membre de l’équipe championne du monde en 1998, il tourne le dos au foot, mais l’océan lui tend les bras. Retour aux sources puisque l’Atlantique coule dans ses veines : né sur la Côte basque en 1969, Bixente Lizarazu surfe comme d’autres respirent.

« J’ai besoin de faire du surf. Ça fait partie de moi : j’en fais tous les jours depuis que j’ai 14 ans. Le surf, c’est d’abord extrêmement physique, mais c’est plus que ça : c’est ce sentiment de liberté et ce rapport, très fort, à la mer… Le foot m’avait éloigné de la côte. J’entame une seconde vie, et le surf en fait largement partie. Grâce à cela, je supporte mieux que d’autres l’arrêt du football. En surfant, je retrouve ces montées d’adrénaline que je connaissais sur le terrain. S’attaquer à des vagues toujours plus hautes, c’est comme affronter une équipe a priori plus forte que la tienne. Sauf que le foot, c’est un espace clos. Alors que le surf, c’est l’infini. Sans limites.

Surfer t’ouvre sur le monde : chercher de nouvelles vagues, c’est découvrir d’autres cultures. Surtout, ça t’ouvre les yeux : on ne peut pas surfer sans s’engager pour l’environnement, c’est une question de bon sens. Ce lien que j’ai avec l’eau m’a poussé à créer mon association, Liza(1), pour la préservation du littoral. Le foot, c’est du sport. Le surf, un mode de vie, un univers. »

1. Liza, 6, rue de l’Ecole-Maternelle, 64700 Hendaye.

 

Sara Ploquin-Donzenac, journaliste
« Tu ne comptes que sur toi »
A 34 ans, elle vit à Anglet (Pyrénées-Atlantiques), haut lieu du surf français, avec son bébé et son compagnon, windsurfeur. Depuis vingt ans, sa vie est dirigée par la recherche du vent, de la vague, du ciel.
« A 25 ans, je vivais avec un homme qui parlait de bébé et moi, je savais que je ne pouvais pas être mère avant d’avoir fait ce tour du monde initiatique que l’on doit tous faire. Alors, je suis partie, à la recherche des plus belles vagues. J’ai passé un an à voyager autour du Pacifique. C’était magnifique, libérateur. C’est une passion qui se pratique en tribu, mais la performance, elle, est très individualiste : tu es seule, dans l’eau, tu ne comptes que sur toi, tu es responsable jusqu’au bout de tes choix. C’est à toi d’arbitrer entre le plaisir et le risque. Etre courageuse mais pas présomptueuse. En cas d’erreur, la sanction est toujours violente. J’ai mis vingt ans à comprendre que ces leçons pouvaient s’appliquer à ma vie de terrienne. »

1. Rédactrice en chef de Kiteboarder (magazine dédié au kiteboard) et Chicks’ Power (magazine de glisse féminin).

 

Michaël Sebban, écrivain, professeur de philosophie
« C’est la glisse qui me soigne »
La quarantaine toute fraîche, petit brun barbu et fumeur de pipe, Michaël Sebban est l’antidote aux clichés du surfeur bodybuildé, décoloré, voire décérébré. Prof de philo en zone d’éducation prioritaire, il s’est mis en disponibilité pour écrire(1). Et surfer. Chez lui, l’un ne va pas sans l’autre.

 

« Pour écrire, j’ai besoin de puiser dans des émotions vraies. Or, la seule qui soit restée intacte tout au long de ma vie, c’est celle que je ressens sur ma planche de surf. Seul, au milieu de l’eau. Soudain, tout devient clair, se raccorde : le ciel, la mer et soi. C’est incroyablement intense. Exactement ce que j’ai ressenti à 14 ans, quand je suis tombé sur une photo de Jerry Lopez, la star de l’époque. Comme il était calme, sur sa planche… Je me suis dit : “Je veux ça, voir ça, ressentir ça !”

 

Depuis, je n’ai pas arrêté. Je vais à l’autre bout du monde pour ces trente secondes sublimes sur la vague. Quand je suis à Paris, je peux m’arrêter un quart d’heure devant une vitrine pour regarder une photo de l’océan. Quand je déprime, je passe un coup de fil à la météo du surf. Je suis un grand malade. Comme tous les surfeurs. Sauf que c’est la glisse qui me soigne : c’est ma bouffée d’oxygène, indispensable pour remettre les compteurs à zéro. »

1. Auteur de La Terre promise pas encore (Pocket, 2004), Lehaïm et Kotel California (Hachette Littératures, 2004 et 2006).

 

 

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